Plus de 62 000 décès évités grâce au confinement

Les scientifiques mobilisés

N° 381 - Publié le 8 juillet 2020
Laurent Guizard
Pascal Crépey et ses collègues ont développé des modèles statistiques pour suivre et anticiper l'épidémie.

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Une équipe de l’EHESP a chiffré l’efficacité des mesures sanitaires. Sans le confinement, le bilan de l’épidémie aurait été six fois plus élevé.

Dimanche 19 avril. Le Covid-19 a déjà fait 74 000 victimes dans les hôpitaux1. Tous les services sont débordés par l’afflux massif de malades. Près d’un quart2 de la population a développé des symptômes et l’épidémie progresse de manière exponentielle. Ce scénario détaillé par des chercheurs de l’EHESP3 aurait pu avoir lieu si nous n'étions pas restés confinés. En réalité, le 19 avril, le bilan s’élevait à 12 169 décès dans les hôpitaux4. Le confinement a permis de garder la situation sanitaire sous contrôle.

« Nous avons tous vu les courbes baisser, dont celle du nombre d’admissions en réanimation. Mais il manquait la vraie mesure de l’effet du confinement », explique l’épidémiologiste et biostatisticien Pascal Crépey. Avec deux autres chercheurs5 de l’équipe Repères6, le Rennais a comparé la situation observée dans les hôpitaux à ce qui aurait pu se produire, si l’épidémie avait gardé son intensité.

700 personnes sauvées en Bretagne

Selon cette analyse, le confinement a évité près de 62 000 décès en France, en un seul mois. « Nous avons eu du mal à y croire en le calculant, poursuit Pascal Crépey. Mais en reprenant toutes les analyses, nous retombons bien sur ce nombre. » En Bretagne, ce ne sont pas 183 mais 900 victimes qui auraient été enregistrées, uniquement à l’hôpital7.

Ces résultats sont le fruit d’une modélisation mathématique. Les chercheurs ont segmenté la population en groupes correspondant aux différents stades de l’infection. Certains individus sont sains, d’autres sont infectés. Parmi ces derniers, certains sont guéris, d’autres décédés. Quand de nouvelles spécificités du virus sont connues, des catégories plus précises sont créées.

« Notre modèle intègre huit catégories. Nous avons par exemple ajouté celle des individus pré-symptomatiques, qui n’ont pas de symptômes durant un ou deux jours, mais sont déjà infectieux. » En analysant comment les patients passent d'une catégorie à une autre, les chercheurs mesurent finement la propagation du virus et peuvent prévoir l’évolution du nombre de cas.

100 000 lits de réanimation

Comprendre la dynamique de la pandémie permet d’évaluer les ressources hospitalières nécessaires. « Nous avons montré qu’il aurait fallu disposer de plus de 100 000 lits de réanimation8 au même moment ! » Sans le confinement, les hôpitaux bretons auraient dû faire face à 850 réanimations simultanées, soit six fois plus que ce qui s’est produit au plus fort de l’épidémie. Le système de santé n’aurait pas pu absorber un tel choc.

Les inquiétudes portent aujourd’hui sur une éventuelle deuxième vague. Un rebond est possible, mais pas inéluctable selon Pascal Crépey. En fonction des mesures prises et des contacts sociaux dans les activités quotidiennes, la modélisation mathématique peut fournir de nouvelles projections. Mais certaines données importantes sont encore incertaines, comme la réaction du virus à la période estivale.

Justine Caurant

1. En réalité à cette date, 12 169 malades étaient décédés à l’hôpital en France.
2. L’Institut Pasteur estime que 5,7 % de la population française a été infectée, 1,8 % de la population bretonne (11 mai 2020).
3. École des hautes études en santé publique.
4. Le nombre total de victimes s’élevait alors à 19 718 (hôpitaux et Ehpad).
5. Jonathan Roux (EHESP) et Clément Massonnaud (EHESP, CHU de Rouen).
6. Recherche en pharmaco-épidémiologie et recours aux soins.
7. La période étudiée va du 19 mars au 19 avril.
8. Jusqu’à 7 180 lits de réanimation ont été occupés simultanément en France.

Pascal Crépey,
pascal.crepey@ehesp.fr

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