Maladie d’Alzheimer, des causes peu connues… mais variées !

Carte blanche

N° 394 - Publié le 1 décembre 2021
personne âgée
Carte blanche
Laurent Meijer
Président et directeur scientifique de ManRos Therapeutics et de Perha Pharmaceuticals à Roscoff

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Comment se fait-il qu’une pathologie aussi répandue que la maladie d’Alzheimer (MA) soit aussi mal connue et toujours sans diagnostic précoce ni traitement efficace ?

Disons-le tout de suite, l’impact génétique sur l’apparition de la MA est très faible. Moins de 1 % des patients ont une MA d’origine génétique, due à des mutations sur 3 gènes, Amyloïd Precursor Protein (APP) et Présénilines1 1 et 2. Dans ces cas, heureusement très rares, la MA se déclare vers 40 ans… On parle d’Early Onset Alzheimer’s Disease ou Familial Alzheimer’s Disease. Plus de 99 % des patients développent une MA tardive2 au-delà de 65 ans.

Avec le vieillissement

Le premier facteur de risque est l’âge, la prévalence de la MA augmente avec le vieillissement. Cependant, beaucoup de personnes âgées ne développent pas de MA. La MA tardive n’est pas une fatalité due à l’âge. Heureusement, c’est aussi ce qui donne un vrai espoir thérapeutique ! Beaucoup d’études3 ont cherché à identifier des facteurs de risque génétique qui favoriseraient la MA. Il n’y a guère que le gène de l’apolipoprotéine E dont la forme APOE4 augmente la probabilité d’avoir une MA alors que la forme APOE2 en diminue le risque. Tous les autres facteurs génétiques de risque n’ont qu’un impact très modeste. En revanche, près de 100 % des patients atteints de trisomie 21 développent une MA. Ils montrent une neuropathologie MA autour de 40 ans, puis la prévalence de démence augmente fortement (95 % chez les plus de 64 ans). Pour eux, la MA est donc une maladie véritablement d’origine génétique, d’où l’intérêt d’aborder la MA par la trisomie (en termes de compréhension et de traitement). La MA chez les trisomiques provient du chromosome 21 surnuméraire, chromosome qui porte les gènes de 3 acteurs clés de la MA : APP, β-amyloid cleaving enzyme 2 (BACE2) et DYRK1A, la kinase sur laquelle nous portons toute notre attention !

Agents pathogènes

Il semble que les causes principales de la MA soient à rechercher du côté de notre exposome, l’ensemble des facteurs biologiques et chimiques auxquels nous sommes exposés tout au long de notre vie. Ainsi, certains agents pathogènes parviennent à pénétrer le cerveau et y déclenchent des réponses inflammatoires. Cette neuro-inflammation progressive pourrait participer au déclenchement de la MA. Sont ainsi incriminés des bactéries (Porphyromonas), des champignons (Candida), des protistes (Toxoplasma), certains virus (Herpes) et notre microbiome. Par ailleurs, nous sommes exposés à une vaste gamme de substances potentiellement « alzheimerigènes » (par analogie avec les produits cancérigènes). Parmi les suspects, on trouve des pesticides neurotoxiques, des herbicides, des fongicides, de nombreux métaux4, la pollution aérienne (microparticules) et quelques toxines naturelles. Enfin, les traumatismes crâniens répétés (boxe, rugby) induisent un grand nombre de démences apparentées à la MA.

En résumé, en dehors de 1 % des personnes « disomiques » atteintes de MA et d’une très grande majorité de personnes trisomiques, la MA n’est pas d’origine génétique, même s’il existe des facteurs génétiques de risque légèrement accru, facteurs qui en eux-mêmes ne suffisent pas à déclencher la MA. Dans la majorité des cas, la MA apparaît donc comme une maladie multifactorielle provenant de l’exposition cumulée à divers agents alzheimerigènes qu’il convient d’identifier, de contrôler, voire d’éradiquer.

1. La γ-secrétase qui clive APP pour donner les fameux amyloïdes β.

2. Late Onset Alzheimer’s Disease.

3. Genome-Wide Association Studies.

4. Cu, Fe, Mn, Al, Pb, Hg, Cd.

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