Sur l’estran, un monde délicat

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N° 398 - Publié le 24 mars 2022
TRISTAN DIMEGLIO / PLANÈTE MER

Magazine

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Plus de 2 400 volontaires se sont mobilisés à travers la France pour améliorer les connaissances scientifiques au sujet des bigorneaux.

Les citoyens contribuent à faire progresser la science, comme en témoigne BioLit1. Ce projet de sciences participatives fédère des centaines d’observateurs volontaires qui recensent depuis 10 ans la faune et la flore du littoral atlantique de l’Hexagone2. Les informations glanées ont mené à une découverte inattendue à propos des bigorneaux. « Ils sont de 65 à 85 % moins nombreux et moins diversifiés lorsque la concentration en nitrates dans l’environnement est élevée », révèle Éric Feunteun, directeur de la station marine de Dinard en charge du programme. Ce résultat surprenant vient d’être publié dans la revue Science of the total environment.

Produits phytosanitaires

En se basant sur certaines études, les scientifiques estimaient que la présence des nitrates favoriserait l’abondance des gastéropodes en contribuant à la croissance des algues brunes, leur nourriture de prédilection. « Or, c’est l’inverse qui se produit. Les nitrates qui parviennent jusqu’à l’estran proviennent des bassins versants. Nous soupçonnons que d’autres composés issus des activités humaines qui sont potentiellement nuisibles pour les gastéropodes, tels que les médicaments et pesticides, accompagnent les nitrates jusqu’à la mer. » Les bigorneaux sont ainsi de véritables sentinelles de l’environnement qui renseignent sur la qualité des écosystèmes côtiers.Grâce à la collecte citoyenne issue du programme BioLit, les scientifiques ont également démontré que la distribution des bigorneaux dépend plus des pressions environnementales d’origine humaine, plutôt que des facteurs biogéographiques3. Par ailleurs, ces résultats ont été soigneusement confirmés par des modèles utilisant le machine learning : une intelligence artificielle permettant l’analyse de données complexes.

LAURENT WENK / PLANETE MER 
Citoyens et scientifiques se sont mobilisés pour étudier la répartition des bigorneaux.

Véritable collaboration

« Au-delà de ces découvertes, nous avons co-construit un savoir. Une véritable collaboration s'est établie entre grand public et scientifiques », s’enthousiasme Éric Feunteun. En effet, en plus d’avoir mobilisé des citoyens, le programme a rassemblé plus de 30 structures associatives, scientifiques, universitaires et scolaires, soit près de 2 400 participants. « Au départ, Laurent Debas, directeur de l’association Planète Mer, et moi-même souhaitions que le projet sensibilise à la problématique des déchets échoués sur le littoral. » Mais ce n’était pas facile à mettre en place. « Je me suis ensuite rappelé qu'enfant, ma grand-mère m'amenait souvent sur la côte à la recherche d'algues et de bigorneaux. J’ai alors suggéré d’aiguiller le projet vers la découverte de la biodiversité », raconte Éric Feunteun. Ce changement de cap a porté ses fruits, car en plus d’avoir créé de nouvelles connaissances, BioLit a attiré l’attention d’un large public sur les écosystèmes côtiers.

PAULE-ÉMILIE RUY

1. Pour biodiversité littorale.
2. Ils ont collecté 2 652 échantillons dans 55 sites répartis sur plus de 1 000 km de côte atlantique française.
3. Tels que leur position au nord et au sud.

Éric Feunteun
eric.feunteun@mnhn.fr

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