Plus de 40 ans de suivi

La solution est dans les champs

N° 399 - Publié le 28 avril 2022
GUILLAUME LE BERRE / CEVA / 5 MARS PRODUCTION
Les experts du Ceva surveillent les algues vertes qui prolifèrent sur les côtes bretonnes.

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Photos aériennes, prélèvements sur le terrain et modélisations permettent aux experts d’effectuer un suivi en continu des algues vertes en Bretagne.

Chaque printemps, les algues vertes font leur grand retour sur nos plages. Pour comprendre ce phénomène, le Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva) réalise tous les ans un suivi. « Nous réalisons trois survols aériens, lors des marées basses à fort coefficient, au cours desquels nous photographions l’ensemble du littoral breton. Et un par mois, d’avril à octobre, pour les sites1 en suivi renforcé », présente Sylvain Ballu, responsable du suivi des proliférations d’algues vertes au Ceva.

Libres ou accrochées à un rocher

Ces observations sont couplées à des relevés sur le terrain : photos, échantillonnages et mesures. L’étude de la morphologie des algues, libres dans l’eau ou accrochées à un rocher, est complémentaire car elle éclaire sur leur croissance et donc sur leur cycle de vie. Les observations sur le terrain sont intégrées dans un modèle qui comprend plusieurs paramètres : courants, marées, quantité d’azote dans l’eau… C’est ainsi que le centre a révélé l’existence d’une corrélation entre une importante prolifération d’algues et la quantité de nitrates apportée par les rivières dans les baies. « Un milieu riche en azote, et donc en nitrates, favorise le développement des algues et en particulier celui des ulves, explique Sylvain Ballu. Pour diminuer de moitié les marées vertes, il faudrait un taux en nitrates autour de 10 mg/L dans les rivières qui se jettent dans les baies les plus sensibles. »
Les données sont ensuite transmises aux décideurs : les collectivités et l’État. C’est ainsi que depuis 2010, deux plans de lutte contre les algues vertes2 ont été instaurés. Les actions menées par les éleveurs dans ce cadre, comme une meilleure gestion du lisier et du fumier, ont permis de réduire de 30 à 50 % la quantité de nitrates dans l’eau. Aujourd’hui, elle est en moyenne de 30 mg/L.

Des anomalies météo

Malgré des améliorations sur certains sites3, la prolifération des ulves a été très intense ces dernières années dans l’est des Côtes-d’Armor, en particulier dans les baies de Saint-Brieuc et de la Fresnaye. Elles concentrent plus de la moitié des surfaces couvertes par les algues vertes en Bretagne. Ce constat s’expliquerait en partie par des anomalies météorologiques. Parfois, l’absence de tempêtes génère une prolifération très précoce des ulves qui est également favorisée par un fort ensoleillement au printemps. « L’été, des orages apportent un important flux d’eau douce et de nitrates dans les baies. Il relance la croissance des ulves à un moment critique de leur développement. » La multiplication par dix des débits des cours d’eau et des flux d’azote sur le littoral soutient les proliférations qui peuvent durer jusqu’à l’automne. Or, n’étant pas toujours bien dispersées l’hiver, les algues reviennent plus rapidement au printemps. Malgré ce cercle vicieux infernal, les spécialistes du Ceva poursuivent leurs relevés et testent divers scénarios… afin d’améliorer davantage la qualité de l’eau sur nos littoraux.

MARIE HILARY

1. Tels que les baies de la Fresnaye, Saint-Brieuc, Lannion, Guissény et Douarnenez.
2. De 2010 à 2015 puis de 2017 à 2021.
3. Comme les baies de la Forêt, de Douarnenez et de Saint-Michel-en-Grève.

Sylvain Ballu
sylvain.ballu@ceva.fr

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