Des dépistages précoces et réglementés

Maladies rares : entre progrès et difficultés

N° 406 - Publié le 31 janvier 2023
THOMAS LOUAPRE / DIVERGENCE

Certaines maladies rares peuvent être diagnostiquées très tôt, bien avant l’apparition des premiers symptômes, durant la grossesse de la mère voire avant. Ces techniques sont cependant très encadrées.

C’est une petite révolution dans le monde du diagnostic médical : depuis janvier, tous les nouveau-nés français bénéficient du dépistage systématique et gratuit de 13 maladies génétiques ou métaboliques innées, contre six auparavant. « Cet examen s’appelle le test de Guthrie. Il est réalisé trois jours après la naissance grâce à un prélèvement sanguin dans le talon du bébé. Il identifie notamment les risques de mucoviscidose et de drépanocytose. » Gaëlle Melaye est pharmacien-biologiste en génétique moléculaire au CHU de Nantes. Elle souligne l’intérêt du dépistage comme première étape d’un éventuel parcours de soin. « L’objectif est de détecter l’anomalie avant l’apparition des symptômes. En cas de résultat préoccupant, les médecins réalisent des tests complémentaires afin de poser un diagnostic. » Ils peuvent ensuite proposer une surveillance et si possible un traitement qui retardera le déclenchement de la maladie ou limitera sa sévérité.

Sélection d’embryons

Le caractère systématique du test de Guthrie fait toutefois figure d’exception. De nombreuses limitations s'appliquent par exemple aux examens réalisés au Centre de diagnostic pré-implantatoire, que le Dr Gaëlle Melaye coordonne au sein du CHU nantais. Pour les couples susceptibles de transmettre une maladie grave à leur enfant, une fécondation est réalisée in vitro afin de permettre aux professionnels de santé d’effectuer un dépistage sur les cellules embryonnaires. « Nous ciblons uniquement les anomalies génétiques déjà présentes dans la famille des patients. Ce procédé permet de sélectionner les embryons qui n’en ont pas hérité pour les implanter ensuite dans l’utérus de la mère. »

Le centre enregistre environ 250 demandes par an et dépiste plus de 150 pathologies différentes. Le cadre juridique se veut strict : les maladies doivent être héréditaires, à forte probabilité de transmission, incurables au moment du diagnostic et d’une gravité avérée. « Dans certaines situations, ces critères se révèlent assez ambigus. Pour des pathologies très lourdes comme la maladie de Huntington ou la myopathie de Duchenne, la décision est évidente, poursuit Gaëlle Melaye. Mais un handicap isolé, tel que la cécité, est-il suffisamment grave au regard de la loi ? » En cas de doute, les médecins délibèrent au cas par cas, en tenant compte de la souffrance familiale.

Dérives eugénistes

Plus précoces encore, les tests pré-conceptionnels pour les maladies récessives1 permettent de déterminer si les parents sont porteurs sains d’une anomalie héréditaire. « Ils ne sont eux aussi autorisés qu’en cas d’antécédents connus. Les potentielles dérives eugénistes de cette forme de dépistage font débat parmi les législateurs », souffle la biologiste. Raison pour laquelle les tests ADN grand public vendus en ligne sont interdits en France.

ALEXANDRA D’IMPERIO

1. Deux parents porteurs d'un même gène défectueux peuvent transmettre chacun une copie de ce gène à leur descendance.

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