Pour des aires marines protégées… vraiment protégées

Carte blanche

N° 414 - Publié le 5 décembre 2023
Vie sous-marine
Raphaël Seguin
Carte blanche
Raphaël Seguin
Doctorant chez Bloom Association et à l’Université de Montpellier

Magazine

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S’il y a bien un aspect sur lequel la France exerce une influence à l’échelle internationale, c’est l’océan. En tant que deuxième puissance maritime mondiale, notre pays est le seul à être présent sur tous les océans ; il regroupe 10 % des récifs coralliens, et borde la Méditerranée qui héberge 11 % de la biodiversité marine mondiale. La France dispose donc d’une responsabilité majeure dans la protection du milieu marin.

Situation mortifère

Une responsabilité qui s’inscrit dans un contexte critique pour l’océan : plus d’un tiers des populations de poissons dans le monde sont surpêchées, soit trois fois plus que dans les années 1970. Dans les eaux européennes, les populations de grands poissons se sont effondrées de plus de 90 % en quelques décennies. La situation actuelle est mortifère pour la vie marine mais aussi pour la pêche artisanale en France, qui traverse une crise sans précédent. En outre, nous dépendons toutes et tous de l’océan : il régule le climat, atténue le réchauffement climatique en absorbant un tiers des émissions de dioxyde de carbone, et nourrit plus de trois milliards d’humains. La protection de l’océan est un enjeu qui transcende les frontières, et concerne l’humanité dans son entièreté.

Pour faire face à ces menaces, les aires marines protégées (AMPs) sont l’un des outils les plus efficaces dont nous disposons. Ce sont des zones dans lesquelles certaines activités humaines sont régulées voire interdites, et où les activités industrielles sont par défaut exclues, en particulier la pêche industrielle. Ces zones permettent à la vie marine de se régénérer, et de favoriser la pêche artisanale et locale, qui a moins d’impact sur les écosystèmes marins et est plus créatrice d’emploi. Ainsi, les gouvernements du monde entier se sont engagés à protéger 30 % de leurs eaux d’ici 2030, dont 10 % de façon stricte. Selon les standards internationaux, fixés par l’Union internationale de la conservation de la nature (IUCN), cela signifie que 30 % des eaux françaises doivent exclure la pêche industrielle, afin de favoriser la pêche locale et artisanale, et 10 % exclure toute forme d’activités humaines.

Aligner les actes sur les discours

Officiellement, depuis février 2022, la France protège déjà plus de 30 % de ses eaux. Mission accomplie ? Pas tout à fait. La plupart des AMPs en France sont des coquilles vides, qui n’existent que sur le papier mais ne protègent pas efficacement les écosystèmes marins. En effet, une infime partie des AMPs françaises excluent les pratiques de pêche industrielle : un maigre 0,005 % en Méditerranée, et 0,003 % dans la zone Nord-Atlantique !

Cette situation découle d’une redéfinition nationale de la protection de l’océan, bien moins restrictive que les standards internationaux. Une « protection à la française » caractérisée par une grande complexité administrative : il existe 18 statuts de protection différents, dont la quasi-totalité ne sont pas alignés avec les standards internationaux. Ainsi, de nombreuses AMPs en France autorisent le chalutage ou d’autres méthodes de pêche destructrices, et l’effort de pêche est le même à l’intérieur et à l’extérieur de l’AMP.

Pour protéger ses eaux, la France doit s’aligner sur les standards internationaux, établis par la communauté scientifique. En vue du sommet de l’ONU sur l’océan organisé par la France en 2025, notre gouvernement doit montrer l’exemple et aligner ses actes sur son discours. Il en va de l’avenir des écosystèmes marins, et de la pêche artisanale en France.

 

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