Quand l’eau monte
Océan et climat : des destins liés

L’élévation du niveau moyen de la mer est une conséquence majeure du changement climatique. Son rythme s’accélère, et les conséquences sont déjà là.
En 2100, le niveau moyen des océans pourrait être un mètre plus haut qu’à la période préindustrielle. C’est en tout cas l’un des scénarios les plus pessimistes présenté par les scientifiques si les émissions mondiales de CO2 ne sont pas drastiquement réduites. « Le niveau moyen global de la mer a augmenté significativement en même temps que le début de la révolution industrielle, à partir de 1850, note William Llovel, océanographe physicien au Lops1, à Plouzané. À l’époque, quelques enregistrements marégraphiques montrent un début d’élévation par rapport à la stabilité des 3 000 dernières années2. » Depuis, l’eau n’a cessé de monter de quelques millimètres par an3, et ce, de plus en plus vite.
Les causes principales de cette élévation sont liées au changement climatique, ce qui explique la variabilité des prévisions dans les années à venir. D’abord, l’océan se réchauffe, ce qui provoque une dilatation : chauffées, les molécules d’eau prennent plus de place. Ensuite, les glaciers continentaux et les calottes polaires (Groenland et Antarctique), en fondant, apportent de la masse aux océans. « Entre 2000 et 2019, ces glaces, qui ont fondu de 267 gigatonnes par an, sont responsables à elles seules d’une hausse annuelle d’environ 0,8 mm, indique l’océanographe. Si l’Antarctique fondait entièrement, on gagnerait environ 60 mètres. Pour le Groenland, environ sept mètres. »
Des risques déjà existants
Attention cependant : l’élévation moyenne globale du niveau des mers est un indicateur général qui présente une forte variabilité régionale. « Ce n’est pas cette information qui est pertinente pour les populations côtières, mais bien la hausse locale du niveau de l’eau », souligne le chercheur. Elle peut dépendre des vents, des marées, des flux de chaleur ou d’eau douce, des débits des rivières ou encore de la topographie des côtes. Et si elle semble toute relative, ses effets sur le littoral sont très concrets. Notamment l’amplification des risques côtiers déjà existants, l’érosion et la submersion. « Il n’est pas nécessaire d’attendre 2100 pour constater les premières conséquences, remarque Alain Hénaff, géomorphologue au LETG4, à Brest. Avec la hausse actuelle, les submersions sont déjà plus fréquentes et de plus grande magnitude. »
Dernier exemple en date à Treffiagat (Finistère), où sept maisons menacées de submersion vont être détruites, les flots ne pouvant plus être tenus à distance. « La littoralisation des populations a fixé la forme du bord de mer et mené à des situations où l’érosion et les submersions peuvent gravement toucher les biens et les personnes. » D’ailleurs le chercheur rappelle que « c’est parce que l’on s’y expose que le risque existe, et non l’inverse ! La situation actuelle est héritée de décennies d’aménagements du littoral. La gestion des risques côtiers est une question sociale, bien plus vaste que la seule connaissance de l’élévation du niveau de la mer. »
1. Laboratoire d’océanographie physique et spatiale.
2. Avec une variation maximale de 0,7 mm/an, marge d’erreur liée aux mesures comprise.
3. On estime l’augmentation à 3 mm/an en moyenne le long des côtes françaises.
4. Littoral, environnement, télédétection, géomatique.
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du magazine Sciences Ouest