La santé des femmes, trop longtemps délaissée

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N° 431 - Publié le 12 août 2025
© VIOLETTE VAULOUP
Krystel Nyangoh Timoh simule une opération grâce au dispositif très réaliste mis en place par l'équipe de recherche.

Alors que les inégalités de genre dans la recherche et le soin sont encore considérables, des scientifiques rennais cherchent à améliorer la prise en charge des femmes lors de chirurgies gynéco-obstétriques.

Lors de ses études de médecine, Krystel Nyangoh Timoh a été frappée par l’absence de littérature scientifique sur l’anatomie pelvienne féminine. « Certaines sources dataient des années 1950, ça m’a interpellée », se souvient cette chirurgienne gynéco-obstétricienne au CHU de Rennes. Aujourd’hui encore, une simple recherche sur PubMed, la principale base de données bibliographiques en médecine, suffit à mettre en évidence le fossé qui sépare la santé des femmes et celle des hommes. « Si vous tapez “anatomie du clitoris” vous avez 1 500 articles, 23 100 pour “anatomie du pénis” », relève-t-elle.

Par et pour les hommes


Une inégalité qui a des conséquences bien concrètes. En cas d’endométriose1, l’errance diagnostique s’étale en moyenne de 7 à 10 ans. « La douleur des femmes est banalisée, aux urgences, elles ont plus de risques de se voir prescrire des anxiolytiques que les hommes », illustre la chercheuse. Autre exemple : certaines maladies touchent différemment les femmes. Les symptômes sont décrits comme « atypiques » (la norme étant construite sur le corps masculin), ce qui peut entraîner des retards de prise en charge parfois mortels. Face à cela, c’est tout un rapport à la santé qu’il s’agit de repenser. « Moins de femmes sont instigatrices de projets de recherche et ça joue, avance la chirurgienne. La médecine a été pensée par et pour les hommes. »

Depuis qu’elle a rejoint, en 2018, l’équipe Medicis au LTSI2, à Rennes, la santé des femmes est devenue un axe de recherche du laboratoire. « En tant que chercheurs, on a une immense responsabilité dans le choix de nos sujets », note Pierre Jannin, directeur de recherche Inserm3 et responsable de cette équipe spécialisée dans l’amélioration de la prise en charge chirurgicale par une approche technologique. « Nous travaillons à partir d’analyse de données : on mesure, on comprend, et on développe des pistes de solution », précise-t-il. De la dextérité à la connaissance des procédures en passant par la gestion du stress, la réussite d’un acte chirurgical repose sur un large panel de compétences, toutes prises en compte par ces chercheurs.

Simuler des opérations


En s’intéressant à la chirurgie gynéco-obstétrique, Medicis a notamment établi un référentiel de procédure pour l’hystérectomie4 et proposé des pistes pour limiter les dépressions après une césarienne d’urgence. L’équipe s’appuie également sur un dispositif permettant de simuler une opération de manière très réaliste. L’instrument est pourvu de capteurs mesurant la fréquence cardiaque, la fatigue musculaire ou encore la posture du chirurgien. Mais il est aussi utilisé pour former des internes, par exemple à l’exérèse de lésions d’endométriose. Le tout, toujours, dans l’optique d’améliorer la prise en charge. « Il ne faut pas se contenter de rattraper le retard, il faut le dépasser », sourit Pierre Jannin.

Violette Vauloup

1. Une maladie caractérisée par la présence de tissu semblable à celui de la muqueuse de l’utérus hors de la cavité utérine et qui touche une femme sur dix.
2. Laboratoire traitement du signal et de l'image.
3. Institut national de la santé et de la recherche médicale.
4. Ablation de l’utérus.

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