La résistance contre le ver

N° 252 - Publié le 15 décembre 2014
© Inra/Didier Mugniéry
Nématode, du grec nêmatôdês “semblable à du fil”.

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Les biologistes de l’Inra rendent les plants de pommes de terre moins sensibles à un ver très destructeur.

C’est un petit ver blanc, long de moins d’un millimètre. Originaire du Pérou, comme son hôte, ce nématode (Globodera pallida) a colonisé le monde entier... là où pousse le tubercule. Dans un sol contaminé, les vers sont bien protégés dans des kystes. Ils peuvent y rester, jusqu’à une quinzaine d’années, pour éclore en présence de pommes de terre.
« C’est un échange chimique avec les racines qui entraîne l’éclosion du kyste, explique Marie-Claire Kerlan, ingénieur Inra de l’UMR Amélioration des plantes et biotechnologies végétales (ACVNPT)(1). Avec sa collègue Laura Chauvin, elle étudie la résistance de la pomme de terre aux nématodes. Les larves sont alors libérées, elles deviennent actives, entrent dans la jeune racine, migrent par les tissus conducteurs du cylindre central où se trouvent les nutriments. » Elles transforment alors les cellules de la plante et aspirent leurs contenus. Le corps de la femelle grossit, se transforme en kyste... qui libère à son tour des centaines d’œufs ! Ce ver est d’autant plus ravageur qu’il peut y avoir deux générations par an.

Jusqu’à 70% de perte

Comment faire pour contrer ce parasite, qui entraîne jusqu’à 70% de perte de rendement ? Aucune variété de consommation n’est résistante aujourd’hui. Mais le nématode peut être supprimé, grâce à des plantes pièges, que l’on détruit avant que le parasite boucle son cycle de croissance. On peut aussi chauffer le sol, sous des bâches, pour tuer les vers. Les méthodes chimiques peuvent être efficaces pour les pommes de terre primeurs ou “nouvelles”, mais l’Europe les interdit, car leur impact est néfaste sur l’environnement. Il reste un moyen : la lutte génétique.

« Nous avons mené des études génétiques pour caractériser des sources de résistance dans différentes espèces apparentées à la pomme de terre », explique Marie-Claire Kerlan. Nous pouvons assigner à trois zones de chromosomes un rôle dans le déterminisme de cette résistance ». L’espèce sauvage Solanum vernei, résistante, a ainsi été croisée, par étapes, avec le Solanum tuberosum, qui est l’espèce commune. Des centaines de plants, descendants des croisements, ont ensuite été suivis. Après leur avoir inoculé le nématode, les chercheurs Inra du Rheu(2) observent le nombre de kystes qui apparaissent : des calculs statistiques servent alors à l’étude génétique.

30 ans de recherche

Des partenaires privés de l’Inra, qui sont les membres de l’ACVNPT, utilisent ces géniteurs pour créer des variétés... dont l’une d’entre elles sera, un jour, résistante à Globodera pallida. La lutte n’est pas finie ! Mais les résultats d’aujourd’hui sont déjà le fruit de plus de 30 ans de recherche à l’Inra. Ils ont pu être obtenus grâce aux importantes ressources génétiques de Ploudaniel, et dans le cadre d’échanges de matériel génétique avec d’autres centres de recherche en Écosse, aux Pays-Bas et au Pérou - car ce ver se joue des frontières. 

Virus

La pomme de terre est également attaquée par des virus et, notamment, le virus Y, le plus répandu d’entre eux. Il attaque les feuilles mais surtout, depuis quelques années, les tubercules car ce virus évolue. Pour le détecter, les chercheurs se sont tournés vers des techniques déployées pour l’homme. À la demande de Bretagne Plants, les spécialistes de la virologie de l’Inra(3) du Rheu, avec l’appui de CBB Développement(4), ont adapté un diagnostic appliqué à des pathologies humaines : Elisa, une réaction entre antigènes et anticorps.
« Les 550000 tubercules testés chaque année, prélevés dans 3500 parcelles, sont représentatifs de ce qui sera mis en culture l’année suivante par les producteurs, explique Emmanuel Guillery, directeur de Bretagne Plants. C’est une étape du processus de certification des plants. » D’une façon générale, « ce qui se fait en médecine pour la détection de pathogènes est adapté aux plants de pommes de terre dans les 5 à 10 ans qui suivent. »

Emmanuel Guillery
Tél. 02 98 21 97 00
bretplants@plantsdebretagne.com
Nicolas GUILLAS

(1)Unité mixte de recherche Inra, Agrocampus Rennes, Université de Rennes1.
(2)Les nématologistes Didier Mugniéry, Éric Grenier et Sylvain Fournet.
(3)Institut national de la recherche agronomique.
(4)Centre de biotechnologies en Bretagne.

Marie-Claire Kerlan
marie-claire.kerlan [at] rennes.inra.fr (marie-claire[dot]kerlan[at]rennes[dot]inra[dot]fr)
Laura Chauvin
laura.chauvin [at] rennes.inra.fr (laura[dot]chauvin[at]rennes[dot]inra[dot]fr)
Tél. 02 29 62 63 10

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