Les lasers de Lannion seront superpuissants

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N° 254 - Publié le 9 décembre 2014
© Nicolas Guillas
Thierry Chartier coordonne le projet Hippocamp, dans la compétition mondiale aux “lasers à fibre de puissance”.

Au bout d’une fibre optique, ces rayons laser découperont plus de matériaux, plus profondément. Chercheurs et innovateurs du Trégor y travaillent.

Le laser, ce n’est plus ce que vous croyez. Le bon vieux rayon d’antan, pour découper ou graver des matériaux, sortait d’un bloc de cristal. Mais ce barreau avait un inconvénient : il chauffait !
Dans le “laser à fibre”, né il y a 20 ans, la lumière, la source d’énergie, est amplifiée et transportée dans une fibre optique. « Comme la surface d’une fibre est grande, elle dissipe très bien la chaleur vers l’extérieur, explique Thierry Chartier, maître de conférences à l’Enssat(1), à Lannion. Les lasers à fibre n’ont pas besoin d’un système coûteux de refroidissement, comme les gros lasers solides. »

Et ce n’est pas tout. Dans un laser, il y a des miroirs. Ils doivent être parfaitement alignés... mais ils bougent avec le temps ! Désormais, avec les lasers à fibre, il n’y a plus de réglage à faire : les miroirs sont dans le cœur de la fibre elle-même. Et celle-ci guide le faisceau de lumière très précisément, ce qui est essentiel pour le marquage des matériaux. En outre, dans un laser solide, le profil du faisceau change selon la puissance de sortie, à cause des effets thermiques. C’est fâcheux.

Un marché énorme

Mais les lasers à fibre n’ont pas que des avantages. Ils ont même un gros problème : ils n’émettent pas assez de puissance. Or c’est le marché des lasers “puissants” qui est énorme ! Ils servent à marquer des métaux, à graver à l’échelle de quelques micromètres, par exemple pour lutter contre la contrefaçon. Lannion est dans la course mondiale pour les “lasers à fibre de puissance”. « Depuis deux ans, l’Enssat accompagne la mutation des entreprises lannionnaises, qui développent des applications dans les lasers à fibre de puissance. Avec le projet Hippocamp(2), nous passons à la vitesse supérieure. » Thierry Chartier coordonne ce projet, soutenu par la Région Bretagne, qui associe notamment le laboratoire Foton de l’Enssat, Quantel et iXFiber.

Quantel est le leader français des lasers. Depuis l’automne 2007, son laser YliaM20 à la lumière infrarouge sert à marquer les métaux, le plastique ou la pierre. « Pour nous, le but d’Hippocamp est d’élargir la gamme de ce type de laser, explique Alain Mugnier, ingénieur chez Quantel. Le challenge consiste à obtenir une puissance crête de 30 000 watts, contre 8 000 aujourd’hui, pour marquer d’autres matériaux, plus profondément. » En augmentant la puissance, le rayon infrarouge peut être converti en rayon visible, ou ultraviolet : le verre, par exemple, peut alors être marqué plus facilement.

Drôles de phénomènes

Dans le jargon des opticiens, la “puissance crête” est celle d’une impulsion lumineuse, de quelques dizaines de nanosecondes, émise toutes les 50microsecondes. L’énergie est “ramassée” pendant un temps très court... un peu comme une loupe, qui concentre les rayons du soleil. Le problème, c’est qu’en augmentant la puissance, de drôles de phénomènes apparaissent. « Si on éclaire trop le verre, il y a des effets “non linéaires” et le laser change de couleur », explique Alain Mugnier. Il y a alors une perte d’énergie. « L’effet dominant, qui modifie la longueur d’onde, est l’effet “Raman” : les molécules de silice vibrent dans le cœur de la fibre, résume Stéphane Blin, ingénieur à l’Enssat. Nous voulons des fibres dans lesquelles le faisceau qui se propage est plus gros... pour diluer la puissance optique. » Pour ces fibres nouvelles, les étudiants de l’Enssat sont mis à contribution, tout comme la société voisine iXFiber, la seule en France à fabriquer des fibres optiques spéciales, et la plate-forme technique Perfos(3).

C’est de la recherche fondamentale… et appliquée. « Nous voulons comprendre ces effets de conversion de couleur, les prévenir et faire des modèles théoriques, explique Thierry Chartier. Mais nous ne cherchons pas à battre des records de puissance : il s’agit plutôt d’améliorer les performances d’un laser existant. » Le projet aboutira fin 2009.

Nicolas Guillas

(1)École nationale supérieure des sciences appliquées et de technologie.
(2)High Peak Power Optical Cavities Applied to Material Processing.
(3)Centre technique régional, spécialiste des fibres optiques spéciales.

Thierry Chartier
Tél. 02 96 46 91 44
chartier [at] enssat.fr (chartier[at]enssat[dot]fr)

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