Égalité dans la recherche : des discours aux actes

Carte blanche

N° 388 - Publié le 1 mai 2021
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Rozenn Texier-Picard
Mathématicienne à Rennes (IRMAR/ENS). Membre d'honneur de la Conférence permanente des chargés de mission égalité-diversité

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Si dans les discours son importance ne fait pas débat, la question de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la recherche a trop souvent été vue comme un effet de mode, ou un puits sans fond. De fait, elle est longtemps restée un parent pauvre des politiques scientifiques en France. La loi du 6 août 2019 oblige désormais les employeurs publics à formaliser un plan d’action pluriannuel pour l’égalité professionnelle ; la plupart de ces plans – y compris celui du ministère de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation – ont été adoptés en mars 2021. Très variables dans leur ampleur et leur contenu, tous sont structurés en quatre axes imposés par la loi.

Pour une politique globale

Les axes du plan d’action sont issus d’un protocole d’accord avec les organisations syndicales en 2018.  Le premier axe vise à évaluer, prévenir et traiter les écarts de rémunération et de déroulement de carrière chez les fonctionnaires et contractuel-les. Ceux-ci peuvent notamment découler des temps partiels, des métiers occupés, des rythmes d’évolution de carrière, ou des primes. L’axe 2 porte sur l’accès aux métiers et responsabilités professionnelles. Il vise à favoriser une répartition plus équilibrée dans les différents métiers et échelons, et à lutter contre les phénomènes de « plafond de verre » et de « plancher collant » qui bloquent la progression de beaucoup de femmes. La parentalité et l’articulation des temps de vie personnelle et professionnelle, dont les confinements récents ont montré l’acuité et l’impact, sont abordées dans l’axe 3. Enfin, le quatrième aborde la prévention et le traitement des discriminations, des violences sexistes et sexuelles, et du harcèlement moral, sujets dont aucun établissement n’est préservé et qui explosent, souvent au sens propre du terme, depuis quelques années.

L’impact de la crise sanitaire

La date limite pour l’adoption et le retour au ministère des plans d’action égalité a été plusieurs fois modifiée. Si la crise sanitaire a bousculé les calendriers, elle a aussi montré que les femmes continuent souvent de payer le prix de l’inégale répartition des tâches domestiques, y compris dans le domaine de la recherche. Une enquête menée en 2020 par l'association Femmes et Sciences auprès de 2 489 scientifiques montre que le travail à la maison a été massif dans ces métiers (98 % des répondant.es) et que les femmes étaient moins nombreuses que les hommes (56 % contre 65 %) à bénéficier d’une pièce pour travailler ; elles sont aussi plus nombreuses (35 % des femmes contre 29 % des hommes) à estimer que leur production scientifique a beaucoup diminué pendant le premier confinement.

Mise en œuvre

Au-delà de l’adoption de plans, l’enjeu est maintenant de les mettre en œuvre. La gouvernance de cette politique (portage, moyens attribués, suivi, dialogue social, appropriation par les personnels) est un point essentiel. Les moyens humains et financiers seront-ils à la hauteur ? Et comment les unités mixtes de recherche, dont les membres relèvent de multiples employeurs, parviendront-elles à articuler autant de plans d’action égalité ? Un groupe animé par la mission pour la place des femmes au CNRS, en collaboration avec la CPED1, a élaboré des fiches pratiques à destination des directeurs et directrices d’unité. Souhaitons que ces outils permettent une bonne prise en main des enjeux sur le terrain et de réelles avancées.

1. Conférence permanente des chargé.e.s de mission égalité-diversité. Lire aussi « Un combat pour l’égalité », Sciences Ouest n° 368, janvier 2019.

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