La perception des risques nucléaires à l’épreuve de l’actualité

Nucléaire : Au coeur de l'atome

N° 405 - Publié le 28 décembre 2022
CC BY-SA 4.0 / LEO 211
Le secteur de la centrale nucléaire de Zaporijia, en Ukraine, a été bombardé plusieurs fois depuis le début de l'invasion russe, le 24 février 2022.

Quelles sont les préoccupations des Français ? Des spécialistes dressent un tableau en pleine évolution.

Entre menaces de bombardements atomiques proférées par Vladimir Poutine et combats militaires autour de la centrale de Zaporijia en Ukraine, le spectre d'une nouvelle catastrophe nucléaire plane sur l'Europe. Nombreux sont ceux qui ont encore en tête l’anéantissement des villes d’Hiroshima et de Nagasaki, en 1945, ainsi que les accidents industriels survenus à Three Mile Island  (1979), Tchernobyl (1986) et Fukushima (2011). Ces événements très médiatisés ont durablement marqué les esprits. Selon Stéphanie Tillement, sociologue à l’IMT1 Atlantique de Nantes, cela explique pourquoi une partie de la population française associe depuis les technologies nucléaires aux menaces de destruction massive et de contamination radioactive. « Plusieurs facteurs ont façonné ces craintes, souligne la spécialiste. La mauvaise communication autour de l’accident de Tchernobyl a diminué la confiance envers les experts. Le sentiment d’impuissance face au risque, qu’il soit naturel, sanitaire ou technologique, tend aussi à le rendre plus effrayant. D'autant que la population a une aversion particulièrement forte envers les risques industriels, générés par l’Homme et qui sont donc censés être maîtrisés. »

Retour en grâce

Malgré tout, avant l'invasion russe en Ukraine, qui a débuté en février 2022, l’industrie nucléaire regagnait les faveurs de nombreux Français, d’après le Baromètre de l’IRSN2. Depuis 30 ans, l’institut conduit des enquêtes annuelles pour interroger les citoyens3 sur leur perception des risques industriels, environnementaux, sécuritaires et sanitaires. Selon le plus récent sondage réalisé en novembre 2021, « 44 % des personnes interrogées estimaient qu’il fallait continuer à construire des centrales, soit 15 points de plus qu’en 2020. Seuls 29 % étaient contre4», détaille Hugo Lutun, chargé d’étude à l’IRSN. Autre résultat du sondage : le climat était pour la première fois en tête des préoccupations, à égalité avec la santé, face à 30 autres propositions5. Y aurait-il un lien ? « L’énergie nucléaire étant peu émettrice de carbone, on voit émerger de nouveaux activistes écologistes ouvertement pro-nucléaires. Mais en attendant des recherches plus approfondies, nous ne pouvons faire que des hypothèses », rappelle Stéphanie Tillement.

Entre inquiétude et réalisme

La chercheuse nantaise s’attend d’ailleurs à ce que les bouleversements géopolitiques actuels pèsent dans la balance. « D’un côté, l’invasion de l’Ukraine pourrait renforcer les craintes liées à la sécurité des centrales nucléaires dans les prochaines années, notamment en cas d’attaque militaire. D’un autre, les vagues de chaleur de cet été et les pénuries d’énergie actuelles pourraient conduire les Français à considérer que la lutte contre le dérèglement climatique et la production d’électricité décarbonée sont des enjeux prioritaires. » Une chose est sûre : l’année écoulée n’aura laissé personne indifférent…

ALEXANDRA D’IMPERIO

1. Institut Mines-Télécom.
2. Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
3. Via un échantillon représentatif de la population en âges, genres, catégories socio-professionnelles etc.
4. Les autres se déclaraient neutres.
5. Telles que le terrorisme, les pesticides, les centrales nucléaires ou les accidents de la route.

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