« Nous avons mis le doigt sur l’origine de l’apparition de la multicellularité chez les algues brunes. »

Portrait

N° 297 - Publié le 6 avril 2012
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L'épreuve par 7
Bernard Kloareg

Directeur de la Station biologique de Roscoff

Magazine

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Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ?

Ingénieur agronome de formation, j’aurais sans doute travaillé dans une industrie sur le thème du végétal… Adolescent, c’est la lecture du Lion de Joseph Kessel et l’ambiance des grands parcs protégés qui m’ont poussé vers l’agronomie. Et puis rapidement, j’ai attrapé le virus des algues !

Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ?

Je rentre tout juste d’un voyage au Brésil où j’ai conduit une délégation en charge des Sciences de la mer, et j’y ai trouvé un grand intérêt. Il y a une opportunité de collaboration à saisir avec une communauté scientifique qui nous ressemble beaucoup. Je pense que nous allons nous orienter rapidement vers une déclaration d’intention d’État à État.

Le hasard vous a-t-il déjà aidé ?

Oui certainement, mais je parlerais plutôt d’inattendu. Cela nous est arrivé très récemment lors du séquençage des gènes d’une algue brune, impliqués dans la synthèse des glucides complexes de la paroi cellulaire. Ces gènes présentent beaucoup d’analogies de séquence avec ceux d’une actinobactérie ancestrale, alors qu’on ne les retrouve pas dans d’autres espèces proches, telles que les diatomées. Cela nous fait dire que nous avons peut-être mis le doigt sur l’origine de l’apparition de la multicellularité dans cette lignée, il y a 200 à 300 millions d’années.

Qu’avez-vous perdu ?

Quelques illusions sur la virginité de la science qui, contrairement à ce que je croyais quand j’étais plus jeune, n’est pas désincarnée. Elle est prise dans un faisceau d’intérêts économiques et politiques pas toujours positifs. Mais le métier de chercheur est tellement riche que ce que j’ai gagné compense ce que j’ai perdu !

Que faudrait-il mieux ne pas trouver ?

Rien. Je pense qu’il est toujours intéressant de trouver et d’étendre nos connaissances. Le problème, c’est l’utilisation qui est faite des découvertes. Mais un scientifique seul ne peut pas être juge. Il ne peut pas se substituer à la société, qui doit prendre certaines décisions.

Quelle est la découverte qui changerait votre vie ?

Travaillant depuis plus de trente ans sur les grandes algues marines, ce qui m’a toujours motivé c’est que l’on puisse les utiliser davantage. Cela changerait ma vie mais surtout celle des Bretons, grâce au développement de nouvelles filières.

Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ?

Je n’ai aucun doute sur la rationalité de la démarche scientifique, mais j’en ai beaucoup sur celle des chercheurs et des hommes en général… notamment avec l’invention des subprimes !

Interviewé par téléphone par Nathalie Blanc, fraîchement débarqué du Brésil.

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