Dans un musée à ciel ouvert

N° 348 - Publié le 13 janvier 2017
DR
Virginie Pringuet devant une œuvre urbaine murale, du collectif Treize Bis (13bis) à Paris (19e).

Magazine

4280 résultat(s) trouvé(s)

Dans quelques jours à Rennes, Virginie Pringuet soutient sa thèse(1) sur la cartographie de l’art dans l’espace public.

Commissaire d’exposition d’art contemporain - ou curator comme on dit dans ce domaine -, Virginie Pringuet a repris le statut d’étudiante le temps d’une thèse dans un domaine qu’elle connaît déjà bien : l’art dans l’espace public. Elle a notamment travaillé pour Estuaire(2), un événement qui se déroule entre Nantes et Saint-Nazaire à l’occasion duquel des œuvres, pérennes ou éphémères, sont installées en plein air (ou à l’intérieur de bâtiments) et accessibles à tous. « J’aime mélanger l’art et les nouvelles technologies. Une de mes expériences marquantes est la réalisation, en 2000, du projet silophone dans le port de Montréal. J’ai travaillé avec deux artistes pour transformer les cylindres du grand silo à grains en instruments interactifs permettant aux musiciens et aux internautes de jouer du silophone en ligne. À l’époque, c’était très complexe techniquement. Les sons créés forment désormais une gigantesque base de données et l’installation fonctionne toujours ! C’est en étant au cœur de la production des œuvres que je me suis rendue compte que la création in situ génère beaucoup de documentation, parfois archivée mais très peu exploitée. » Et l’archivage n’est pas centralisé.

 

Les œuvres du 1 % artistique

Virginie Pringuet a donc eu l’idée de créer un musée en ligne pour les rassembler et d’en faire le sujet d’une thèse. Elle a commencé en 2011, en partant des œuvres réalisées dans le cadre du 1 % artistique (loi française datant de 1951 pour intégrer des œuvres d’art à l’architecture des bâtiments publics). Toutes ces œuvres, disséminées aux quatre coins de la France et dont l’accès est gratuit, sont souvent méconnues du public. Depuis 2013, on peut retrouver un certain nombre d’œuvres et de notices sur Atlasmuseum, un site Internet contributif, conçu sur le modèle de l’encyclopédie Wikipédia. Tout le monde peut contribuer en ajoutant des informations sur les œuvres et/ou les photos.

Après les œuvres implantées sur le territoire français, Virginie Pringuet a ouvert le site aux œuvres du monde entier. Aujour-d’hui, Atlasmuseum en compte 2700, toutes géolocalisées et accompagnées d’une notice. « Certaines notices sont encore succinctes. Le but est de collecter des données autant sur les œuvres : matériaux, dimensions, descriptions, sujets abordés..., que sur les sites où elles se sont greffées et sur les artistes. Une œuvre d’art public ne peut pas être appréhendée si elle n’est pas mise en relation avec le site où elle se trouve. » L’application mobile Atlasmuseum permet aux contributeurs d’envoyer des informations comme la géolocalisation en étant face à l’œuvre.

 

Atlasmuseum devient objet de recherche

Après la phase de conception et de prototypage : recherche de financement, travail avec une graphiste et un informaticien pour la mise en forme, Virginie Pringuet est aujourd’hui “curator de données” et Atlasmuseum est devenu son objet de recherche. Elle souhaite désormais analyser comment les gens s’emparent de ce nouveau musée. Le site recense pour le moment plusieurs centaines de contributeurs au total, mais cinquante seulement sont réellement actifs.

« La plupart sont des institutions ou des artistes. Nous avons encore très peu d’amateurs. Une structure comme Vent des forêts(3), par exemple, qui commande et produit des œuvres en forêt, dans la Meuse, est l’un de nos contributeurs les plus fidèles. Et elle utilise Atlasmuseum comme un outil d’inventaire et de valorisation des œuvres de la Meuse au sein d’une cartographie nationale et internationale. » Preuve qu’un tel lieu manquait. Et les idées pour le faire évoluer ne manquent pas. Comme celle de connecter Atlasmuseum à Wikipédia et demain à sa base de données sémantiques, Wikidata, dans laquelle le contenu est interprétable par les ordinateurs qui peuvent y faire des recherches “intelligentes”. « Demain le flux pourrait aussi aller dans les deux sens : Atlasmuseum pourrait alimenter Wikipédia ! » L’autre idée de Virginie Pringuet est de créer des contenus à visée pédagogique pour utiliser le site avec les publics et, pourquoi pas, réaliser un serious game. Mais ça, c’est le sujet d’une autre thèse... En attendant, pour commencer votre tour dans Atlasmuseum : vous êtes plutôt land art, œuvres de tramway ou collection Bretagne ?

Nathalie Blanc

(1) Thèse en Esthétique réalisée sous la direction de Nicolas Thély et soutenue le 31 janvier prochain à l’Université Rennes 2.
(2) www.estuaire. info/fr.
(3) ventdesforets.com.

Virginie Pringuet, contact@atlasmuseum.org

TOUT LE DOSSIER

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest