Pollution plastique : une approche locale face à un problème global ?

Carte blanche

N° 391 - Publié le 1 septembre 2021
sac plastique
Ika Paul-Pont
Carte blanche
Ika Paul-Pont
Écotoxicologue CNRS au Laboratoire des sciences de l'environnement marin à Brest

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Les plastiques sont fantastiques : légers, résistants et économiques. Ils ont révolutionné nos modes de vie mais ont bouleversé notre environnement : à terre, en mer et dans les airs, les microparticules de plastiques, appelées microplastiques1, sont partout. L’impact de leur omniprésence questionne décisionnaires, citoyens et scientifiques.

Jusqu'aux fosses océaniques

L’océan est le réceptacle final des déchets plastiques, avec 4 à 12 millions de tonnes arrivant chaque année depuis nos activités à terre, faisant des écosystèmes côtiers des zones particulièrement exposées. Plus de 90 % des débris plastiques en mer sont sous la forme de microplastiques, représentant ainsi une pollution invisible et insidieuse. Il est important de garder en tête que sous le terme générique « microplastiques » se cache en réalité une classe de contaminants incroyablement hétérogène en termes de tailles, formes, couleurs, nature de polymères, charges en additifs, etc., issus de la multiplicité des usages2. C’est ce qui rend la compréhension de leurs effets sur nos écosystèmes marins particulièrement complexe. Du fait de leur petite taille, les microplastiques sont ingérés par l’ensemble de la chaîne alimentaire marine de la surface jusqu’aux fosses océaniques. Leur ingestion peut induire des perturbations de la digestion qui impactent l'entrée d'énergie via l'alimentation avec des conséquences sur la croissance, l’immunité et la reproduction des espèces. Ces effets observés en laboratoire sont dus aux plastiques en tant que tels, mais aussi au relargage d’additifs plastiques dont certains sont connus pour leur nocivité (ex : phtalates, bisphénol A).

Le transport d'espèces par les micro-plastiques voguant dans l’océan sur de grandes échelles d'espace et de temps constitue une deuxième menace. À titre d’exemple, près de 300 espèces ont été transportées des côtes japonaises aux côtes ouest américaines sur des débris plastiques issus du tsunami de 2011. Parmi elles, certaines peuvent être nuisibles, toxiques ou pathogènes ; la question est alors de savoir quelles conséquences cela peut avoir sur nos écosystèmes et dans la dissémination de maladies. À l’heure actuelle, ces questions animent la communauté scientifique.

L’importance de ces effets montre l’urgence à réduire notre production de déchets plastiques. Pour cela, pas de baguette magique ni de solution unique, mais un ensemble d’actions complémentaires visant à réduire la production, améliorer les procédés de réemploi, collecte et recyclage, sensibiliser pour accompagner le changement. Un récent article publié dans la revue Science3 montre que toutes les solutions sont déjà entre nos mains et que leur réalisation de façon concertée et globale réduirait la pollution mondiale de déchets plastiques de 78 % d’ici 2040. En attendant, c’est à l’échelle locale qu’il convient d’agir. C’est par exemple le cas du projet Interreg « Preventing plastic pollution » qui implémente l’ensemble de ces actions à l’échelle de bassins versants et auprès des acteurs locaux4 de 7 zones pilotes en France et en Angleterre.

À terre et en mer

Ceci permet d’intégrer tous les secteurs d’activité à terre comme en mer pour une sensibilisation élargie, mais aussi pour mieux identifier les sources locales prédominantes, variables d’un écosystème à l’autre. Ces données sont essentielles pour mettre en place des mesures de gestion adaptées à chaque localité et constituent un levier primordial pour l’aide à la décision auprès des parties prenantes sur ce sujet environnemental majeur.

 

1. Dont la taille est inférieure à 5 mm.

2. Cosmétiques, textiles, transport, alimentation…

3. Evaluating scenarios toward zero plastic pollution, Winnie W. Y. Lau et al., Science, 2020.

4. Décideurs, gestionnaires, scientifiques et médiateurs.

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