Les animaux : sondes vivantes de notre environnement

Carte blanche

N° 393 - Publié le 1 novembre 2021
Phoque
Yan Ropert-Coudert
Carte blanche
Yan Ropert-Coudert
Directeur de recherche au CNRS-CEBC, International Bio-logging Society

Magazine

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En 2003, le professeur Yasuhiko Naito de l’institut polaire japonais décida de fédérer la communauté de chercheurs intéressés par l’instrumentation d’animaux polaires avec des enregistreurs. Pour cela, il organisa un symposium, invitant 52 scientifiques venus du monde entier, et demanda à ses collègues de trouver un nom pour cet événement. L’un d’entre eux, inspiré en faisant la vaisselle, proposa le terme “bio-logging”.Désormais, ce terme est utilisé couramment dans la sphère scientifique. Le 7e symposium international à ce sujet s’est tenu à Hawaii en octobre et une société internationale réunit aujourd’hui plus de 1 400 membres autour de cette thématique.

Dispositif d’enregistrement

Dérivé de l’anglais, logging se réfère au journal de bord des capitaines de navires dans lesquels sont consignées de nombreuses informations, notamment biologiques1. Il désigne la méthodologie qui consiste à fixer, de manière temporaire, sur un animal se mouvant librement dans son milieu naturel, un dispositif d’enregistrement de données physiques, chimiques et/ou biologiques. Ces données sont récupérées après un laps de temps, allant de quelques heures à plusieurs années, soit en recapturant l’animal par exemple lorsqu’il revient sur son lieu de reproduction, soit en transmettant les données vers des bornes de réception au sol ou vers des satellites.

Cette approche n’est pas récente. Dans les années 1960 le physiologiste Gerald Kooyman eut l’idée de combiner un timer de cuisine avec un capteur de pression pour enregistrer les performances de plongée hors normes des phoques de Weddell. C’était une première ! Grâce aux progrès technologiques, notamment de la téléphonie mobile, le bio-logging s’est installé comme une approche essentielle pour les écologues, les océanographes et les botanistes qui l’utilisent pour complémenter leurs panels d’instruments.

Oiseaux et mammifères

Ainsi, les scientifiques disposent de moyens pour étudier les animaux ayant des habitats extrêmes. Les outils traditionnels ne suffisent pas toujours. Les écosystèmes qui fleurissent sous la glace de mer des océans polaires en sont de bons exemples. Des oiseaux et mammifères marins sillonnent les océans, équipés de bio-loggers munis de capteurs2 ou de micro-sonars permettant d’estimer le nombre de proies dans le champ de vision du prédateur. Tels des sondes vivantes, ils permettent la collecte de précieuses données. Pour les régions au sud de 60° S, environ 80 % des données de température et de salinité sont fournies par les phoques austraux.

Respect de l’animal

Y a-t-il un impact sur l’animal ? La réponse est évidemment oui. Si nous n’en voulions aucun, il faudrait ne rien faire du tout, ne pas aller sur place… Mais nous n’aurions pas d’information sur la biologie de ces animaux cryptiques et aucun moyen de proposer des mesures de conservation adéquates. Cependant, il est important de réaliser que les utilisateurs du bio-logging ont un profond respect pour l’animal et son environnement. Ce sont des scientifiques qui désirent obtenir des informations non biaisées. À quoi bon collecter des informations si elles ne reflètent pas la réalité ? Ainsi, de nombreuses études se penchent sur l’effet des bio-loggers et comment le diminuer au maximum.

Les données récoltées apparaissent également de plus en plus comme un formidable outil pédagogique qui pourrait nous aider à réconcilier l’homme et la nature qui plus que jamais a besoin que nous prenions conscience de sa fragilité. 

1. Par exemple, quels oiseaux ont été observés à tel moment du voyage.

2. De température, de salinité, de lumière dans les longueurs d’ondes de la bioluminescence, de chlorophylle a, de concentration d’oxygène dissous, etc.

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