Quel rôle pour l’histoire naturelle ?

Carte blanche

N° 385 - Publié le 1 janvier 2021
Musée d'histoire naturelle
Bruno David
Carte blanche
Bruno David
Président du Muséum national d'histoire naturelle

Magazine

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Cette question ne s’est jamais posée avec une acuité aussi vive qu'aujourd'hui, dans ce siècle qui voit ses équilibres planétaires et les fonctions sociales bouleversés. Un contexte qui s’inscrit dans la nécessité de relever quatre défis principaux.

À la confluence entre les sciences

Le premier est un défi environnemental. La rupture est majeure et se marque par le déclin des espèces, l'épuisement des sols et des ressources marines, la fragmentation des espaces… Cette question, désormais centrale, rejoint des enjeux sociaux concernant tant la santé, l’alimentation, la justice sociale ou la préservation d’une diversité culturelle. Ce défi est sans doute le plus grand car il touche à l’avenir de notre planète et donc au nôtre. Du fait de l'éventail des champs scientifiques qu’elle est en capacité d’embrasser, l’histoire naturelle à la confluence entre sciences de la nature et sciences humaines et sociales est particulièrement bien armée pour contribuer à répondre à ce défi.

Le deuxième défi est celui de l'éthique. Relever le défi environnemental est illusoire sans une réflexion philosophique concernant les relations qu’entretiennent les sociétés à leurs environnements, et sans une réflexion sociale sur les questions de justice environnementale. Toute mesure pérenne de limitation des atteintes à la planète ne peut échapper à une réflexion de fond sur la légitimité de l’appropriation, sur le partage des ressources naturelles et des richesses produites. Quels éléments factuels l'histoire naturelle fournit-elle pour répondre à ce défi ? Comme souligné par l'UICN1, la protection de la nature est une condition de prospérité, de bien-être et de paix. Le monde est en transition et il faudra changer sa conduite, sous peine de le voir basculer vers des déséquilibres tant environnementaux que sociaux inconnus.

Penser le long terme et agir

Le troisième défi est culturel. Comment parler de science à un public de moins en moins acculturé à la science ? Là se trouve en partie l’origine du rejet des savoirs scientifiques et les crispations autour de fondamentalismes et de complotismes. Bien au-delà de son champ initial, parce qu’elle est scientifique, parce qu’elle ouvre sur des échelles d’espace et de temps qui échappent aux horizons habituels, l’histoire naturelle éclaire les hommes sur leur place dans le monde. Fondée sur la rationalité, elle doit contribuer à réinstaurer la confiance du public envers les messages scientifiques, confiance indispensable pour que l’on puisse penser le long terme et agir.

Faire la part entre croyances et faits scientifiques

Dans le prolongement du précédent, le dernier défi est numérique. Une partie de la génération actuelle tire la majorité de ses éléments de connaissance des réseaux. La toile génère des îlots de représentations du monde, renforcés par l’entre-soi d’une communauté numérique, où chacun préfère croire ce que proclame son voisin de réseau plutôt que de tenir compte des connaissances véhiculées par une autorité reconnue. Avec ce type de dérive, aucune limite n'existe et le danger d'obscurantisme devient bien réel. L’histoire naturelle fonde une grande partie de ses savoirs sur l’observation. A ce titre elle apprend à respecter les faits, à rejeter le dogmatisme ; elle est une formidable école pour forger une éthique intellectuelle capable de faire la part entre croyances ou opinions d’une part et faits scientifiques d’autre part ; elle est un moyen puissant pour former des citoyens éclairés et responsables, piliers de la démocratie.

Promouvons l’histoire naturelle !

 1. Union internationale pour la conservation de la nature.

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