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du magazine Sciences Ouest
Depuis 2022, les signalements de loups se multiplient en Bretagne. L’analyse de photos et de vidéos a permis de distinguer sept individus et de mieux comprendre leurs déplacements.
L’information fiable sur les algues vertes, essentielle en période de transition agricole, est au cœur d’un projet de recherche.
Si l’origine et les conséquences de la pollution aux algues vertes en Bretagne ne sont plus à démontrer, l’information fiable à ce sujet reste encore aujourd’hui un enjeu de taille. C’est dans ce cadre qu’est né le projet Fil-Av1, consacré à l’étude de la production et de la circulation de l’information en lien avec les algues vertes et l’agriculture. Lancé en décembre 2024 pour une durée d’un an et demi, il est porté par le CNRS, l’Inrae2 et l’Université de Rennes.
L’une des premières étapes de Fil-Av consiste à regrouper des textes en lien avec le sujet, produits par la profession agricole ou par des associations de protection de l’environnement depuis 1970. Ensuite, les scientifiques passeront au crible ces écrits à l’aide de logiciels d’analyse textuelle afin « d’identifier les experts mobilisés, les solutions promues face à cette pollution, les chiffres mis en avant, la place et la pondération des arguments, les personnalités décriées… », énumère Jeanne Pahun, post-doctorante en sociologie de l’action publique au sein du projet. Les arguments et leur évolution seront ainsi analysés, tout comme leur contexte d'énonciation grâce à des entretiens auprès d'acteurs ayant participé à leur production.
Dès ce premier travail achevé, l’équipe réitérera la démarche pour confronter les écrits issus de la communication institutionnelle et de la presse quotidienne locale (Ouest-France et Le Télégramme). Mais cette fois, c’est la circulation des informations au sein des médias qui sera davantage analysée : « Nous chercherons par exemple à déterminer si les associations de protection de l’environnement et les représentants d’agriculteurs ont autant été mis en avant dans les deux types de support », annonce Jeanne Pahun. L’ensemble de ces travaux s’inscrit dans « le droit à être informé de la bonne manière, conclut la chercheuse, et devrait permettre un débat public plus éclairé et objectif, indispensable dans le contexte de transition agricole ».
1. Fabrique de l’information locale – Algues vertes. Lauréat d'un appel à projets Iris-e en 2024.
2. Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.
La base sous-marine de Brest est le fruit du travail forcé de milliers d’exilés espagnols lors de l’occupation allemande. Une facette de l’Histoire peu connue, au centre de la thèse d’une doctorante recueillant la mémoire de leurs descendants.
Présents notamment dans les tissus des organismes marins, en particulier ceux des poissons dits « gras », les acides gras oméga-3 sont essentiels à la santé humaine. Or, leur quantité dans les océans ne cesse de décroître.
Si le poisson est à l’honneur le 1er avril, les lipides qu’il contient le sont toute l’année. Ceux-ci sont une grande famille de molécules, au sein de laquelle figurent les acides gras oméga-3. Chez l’être humain, ces lipides sont indispensables au bon fonctionnement de la rétine, du cerveau et du système nerveux, et sont bénéfiques pour l’appareil cardiovasculaire. Ils sont donc qualifiés d’acides gras essentiels.
Notons que les microalgues font partie des rares organismes sur Terre à synthétiser certains oméga-3 (l’EPA1 et le DHA2) en grande quantité. Premier maillon des chaînes alimentaires marines, elles fournissent aux autres organismes marins des EPA et des DHA, en particulier aux poissons gras comme le saumon, le hareng ou le thon, qui en sont donc très riches. L’être humain est lui aussi capable de fabriquer ces deux acides gras, à partir d’une alimentation diversifiée et équilibrée. Mais « cette synthèse présente un faible rendement et fait donc des produits marins la principale source d’apport en EPA et DHA pour une grande partie de la population mondiale », précise Gauthier Schaal, maître de conférences en écologie marine à l’Université de Bretagne Occidentale.
Malheureusement, compte tenu du changement climatique, de la pollution et de la surpêche, la ressource halieutique diminue depuis plusieurs décennies à l’échelle de la planète. Et le problème ne s’arrête pas là, puisque « les microalgues synthétisent de moins en moins d’oméga-3 à cause du réchauffement des eaux », poursuit le scientifique. Ces lipides jouent en effet un rôle essentiel dans la structure des membranes cellulaires, qui s’adaptent à la température en régulant leur composition afin de maintenir leurs propriétés. Et ceci passe par une réduction de la fabrication d’oméga-3, dont l’EPA et le DHA. Se supplémenter en oméga-3 est aujourd’hui possible, mais coûte très cher (compléments à plusieurs centaines d’euros au kilogramme) étant donné le processus industriel complexe utilisé.
Pour répondre à cet enjeu de santé publique, « nous tentons de développer de manière plus efficiente la production d’oméga-3 marins, en partenariat avec des industriels », indique Gauthier Schaal. Les scientifiques ont en effet remarqué que certaines microalgues, les thraustochytrides, présentent la capacité de produire des oméga-3 en quantité extrêmement importante. L’objectif est donc de faire proliférer ces organismes en laboratoire et d’en extraire leurs acides gras. Un projet ambitieux selon le chercheur, qui précise que « cette expérience, si elle aboutit, devra ensuite être transformée en processus industriel... ce qui n’est pas une mince affaire ».
1. Acide eicosapentaénoïque.
2. Acide docosahexaénoïque.
Au-delà du processus physiologique, la grossesse peut être analysée au prisme de l’économie. Même si elle n’est pas reconnue ni valorisée comme tel, la gestation peut en effet être considérée comme un travail.
« Les glaciers font partie des agents érosifs les plus puissants, ce sont des machines à avaler la roche », raconte Samuel Toucanne, chercheur Ifremer à l'unité de recherche Géo-Océan, à Plouzané, et porteur d’Exodust, une ANR1 débutée le mois dernier. Sous l’effet de leur poids énorme, ces amas de glace cassent la roche sous leur socle. Une partie est réduite en poussière et s’envole. Et alors que le climat se réchauffe, des particules auparavant emprisonnées sous la glace sont libérées. Une fois ces poussières dans l’atmosphère, des mécanismes complexes entrent en jeu. En se déposant sur les glaciers, elles réduisent leur pouvoir réfléchissant et accélèrent leur fonte. Mais les liens entre climat, glaciers et poussières sont encore mal connus. En étudiant des carottes sédimentaires prélevées au fond de l’océan, où ces particules finissent souvent par se déposer, le projet vise à observer « si les pics de poussières enregistrés depuis 70 à 50 000 ans sont liés à des reculs glaciaires », résume Samuel Toucanne. Et ainsi élucider leur rôle dans la fonte des glaces et affiner les modèles climatiques.
1. Les ANR sont des projets financés par l’Agence nationale de la recherche.
La science peut participer à faire exister la parole des détenus dans l’espace public : sous l’égide de la MSHB1, des chercheurs mènent dans ce but le projet Consiodépa2. Commencé en 2021, le travail de recueil de témoignages de détenus dans une maison d’arrêt du Grand Ouest « est considérable, notamment parce qu’il faut du temps pour retranscrire les enregistrements audio dans le respect des principes éthiques », explique Nathalie Garric, chercheuse en linguistique au laboratoire Prefics de Nantes Université. Tous volontaires, ils se confient aux scientifiques sur leur parcours de vie et de détention. « Ce qui nous intéresse n’est pas tant ce qui est dit, mais comment c’est dit. En partant du principe qu’il y a toujours plusieurs manières de raconter, on analyse le choix des mots et les structures de phrases qui révèlent des normes et des systèmes de valeurs. Cela aide à mieux comprendre l’expérience d’incarcération et à tenter de la prévenir. »
L’une des difficultés de ces travaux vient du caractère sensible des discours carcéraux. « Nous devons prendre d’infinies précautions pour anonymiser les données : ne pas mentionner le nom et le prénom ne suffit pas, il ne faut pas qu'ils puissent être identifiés par des indices sur leur parcours, explique la responsable du projet. Mais il ne faut pas pour autant appauvrir les témoignages. » Lancé dans le sillage d’un projet gouvernemental visant à réduire la surpopulation carcérale, Consiodépa cherche une autre voie : l’utilisation des « ressources discursives pour en faire des outils d’aide dans le parcours de réinsertion ».
1. Maison des sciences de l’Homme en Bretagne.
2. Contribution de la science ouverte au débat éclairé par la parole des détenus.