Des hommes et des forêts
TOUT LE DOSSIER
du magazine Sciences Ouest
Cela fait cinquante ans ce mois-ci qu’avorter est légal en France. Une historienne et une spécialiste du droit reviennent sur ce lent combat pour le droit des femmes à disposer de leur corps.
Un livre breton du haut Moyen Âge vient de revenir dans la région. Une opportunité pour des chercheurs, qui y voient déjà une manière d’en savoir plus sur les échanges entre la Cornouaille et les îles Britanniques à l’époque.
La féminisation des artistes de musiques électroniques a de nombreuses conséquences, et des données chiffrées pourraient aider à mieux les connaître.
Clubs électro, loges de festivals et backstages, c’est le terrain d’étude d’Alice Laurent-Camena, doctorante en sociologie au laboratoire Arènes (Rennes). Elle s’intéresse pour sa thèse à la féminisation des artistes de musiques électroniques. « Dans ce milieu, l’égalité est un véritable sujet. Globalement, les individus ont conscience de la place prépondérante des hommes sur scène, et il y a une aspiration commune à plus d'égalité et d'inclusion. » Ce qui a entraîné certaines modifications des usages : plus de femmes programmées en tête d’affiche, la mise en place de protocoles pour lutter contre les violences ou encore l’acceptation des quotas de genre parmi les artistes annoncés. Pourtant, « les femmes sont toujours nettement minoritaires sur les scènes des clubs », constate la chercheuse. « Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la féminisation d’un ancien bastion masculin ne signifie pas automatiquement l’égalité du point de vue du genre. Il faut donc s’intéresser à la manière dont les rapports sont réorganisés et comment les hiérarchies genrées continuent d’opérer. »
C’est pour étudier dans le détail ces évolutions contrastées, qu’après avoir suivi une centaine d’artistes de la scène électronique dans leur quotidien, la chercheuse se lance avec le projet Gepame1 dans une récolte de données chiffrées. Aidée par un ingénieur de recherche, elle va comparer les programmations de six lieux emblématiques des musiques électroniques, sur plusieurs années, pour récupérer « des informations sur la visibilité des artistes selon leur genre ». Deuxième volet, l’analyse d’une grande enquête sur les pratiques culturelles des Français qui sonde, entre autres, goûts musicaux et pratique en amateur.
« L’intérêt, c’est de pouvoir dresser un portrait type de ces gens : celles et ceux qui écoutent de la musique électro sont-ils des citadins ? De quelle catégorie socioprofessionnelle viennent les DJ amateurs ? Sont-ils plutôt jeunes ou vieux ? » Des données qui lui permettront d’éclairer ses recherches sur les artistes.
1. Genre de l’écoute et des pratiques en amateur des musiques électroniques. Porté par la Maison des sciences de l’Homme en Bretagne (MSHB).
Afin d’expliquer leurs recherches au grand public, deux chercheurs rennais ont demandé à des volontaires de cuisiner des meringues. Une analogie surprenante mais efficace, entre cuisine et sciences.
L’an dernier, Florian Naudet et Constant Vinatier ont demandé à 60 volontaires de cuisiner 900 meringues. Ils ne sont ni fous ni pâtissiers, mais chercheurs. Et ils sont revenus sur cette expérience avec un article publié dans la revue PLOS Biology mi-décembre. « On fait de la recherche sur la recherche, tout l’enjeu est de comprendre comment elle se fait pour mieux la faire », explique Florian Naudet, professeur de thérapeutique à l’Université de Rennes. Et pour cela, il s’intéresse notamment à la reproductibilité, une notion qui se divise en trois axes : « C’est le fait de pouvoir reproduire la méthode, les résultats et les conclusions d’un travail scientifique », note Constant Vinatier, doctorant en épidémiologie, analyse de risque et recherche clinique à l’Irset1, à Rennes.
Sensibiliser les citoyens aux complexités de la reproductibilité est un élément clé pour un regard plus nuancé sur le monde de la recherche, mais risque d’exacerber une forme de scepticisme à l’égard des sciences. Alors, il a fallu trouver le bon moyen d’aborder la question. « Les meringues sont l’outil parfait parce qu’une recette c’est comme une expérimentation scientifique, souligne Florian Naudet. De la température de la pièce à la durée de battage des œufs, il y a plein de choses non écrites que l’on fait ou pas et qui jouent sur le résultat : ce sont les degrés de liberté. »
Ils ont donc demandé à deux groupes de 30 personnes de réaliser des meringues. Le premier suivait une recette classique et le second un protocole amélioré sur les conseils d’un pâtissier, un schéma plus détaillé qui devait réduire ces degrés de liberté. « Mais à la fin, il n’y a pas eu de différence entre les meringues », constate Constant Vinatier. Les pâtisseries ont ensuite été vendues aux Champs Libres, à Rennes, ce qui a permis d’échanger avec les visiteurs sur la reproductibilité. Car en cuisine comme en recherche, il arrive qu’il soit impossible de reproduire un résultat. « Ce n’est pas forcément négatif, tant de paramètres entrent en compte qu’il est difficile de reproduire les conditions exactes », relativise Florian Naudet.
Plus que les résultats, c’est d’ailleurs la manière dont on en parle qui importe. « Beaucoup de scientifiques ne communiquent pas si leurs conclusions ne correspondent pas à leurs attentes : ainsi la moitié des essais thérapeutiques d’antidépresseurs ne sont pas publiés, illustre le chercheur, or il faut prendre en compte les échecs pour avoir une vision réaliste. » Sans compter que l’écosystème de la recherche favorise la découverte plutôt que la reproductibilité. « Certaines choses ne sont pas suffisamment vérifiées, un résultat scientifique est valide quand il a été reproduit par d’autres », insiste Florian Naudet, qui veut « donner au public les outils pour construire un regard nuancé et critique sur le monde de la recherche ».
1. Institut de recherche en santé, environnement et travail.