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du magazine Sciences Ouest
Dans le sillage des mobilisations aux États-Unis, le monde de la recherche français a largement suivi le mouvement Stand up for science, et les scientifiques bretons ne sont pas en reste.
« Le mot qui résume ce qui se passe dans la communauté scientifique depuis l’élection de Trump, c’est la peur. » C’est en ces termes que s’est exprimé début avril Nicolas Flagey, un astrophysicien français parti travailler aux États-Unis, lors d’une conférence en ligne organisée par la branche française de Stand up for science. Rapidement devenu international, ce mouvement s’est formé en réaction à « des attaques frontales contre la connaissance, la recherche et la vérité » menées par le président républicain depuis sa prise de fonction au mois de janvier. Des financements suspendus ou annulés, des données rendues inaccessibles, des mots devenus interdits, des licenciements massifs au sein des agences fédérales… « C’est du jamais-vu, souffle Karl Jacoby, historien spécialiste des États-Unis à l’Université de Columbia. La magnitude des changements et de leurs effets ici est impressionnante, et tout cela est arrivé très rapidement. »
À Rennes, Brest et Plouzané, mais aussi à Roscoff, Lannion, Vannes, Lorient, Pontivy et Dinard, les scientifiques se sont mobilisés pour soutenir leurs homologues outre-Atlantique. L’immense majorité des universités et des laboratoires bretons ont également soutenu et relayé les appels à manifester des 7 mars et 3 avril. Effectivement, les coupes drastiques de financements mettent non seulement en péril les scientifiques américains, mais également leurs projets et équipes de recherche, très souvent internationales.
Laurent Memery, qui a participé aux mobilisations, illustre : « En France, pratiquement tout le monde travaille avec un laboratoire des États-Unis. Je suis océanographe, et 80 % des mesures prises pour l’océan proviennent de la Noaa1, où il y a eu des suppressions de postes, un gel des embauches et une interdiction de communiquer avec les scientifiques internationaux ». À l’IUEM2, à Plouzané, où il exerce, « les trois quarts des équipes étudient des thématiques en lien avec l’écologie, les premières visées par la nouvelle administration. Ce qu’il se passe crée un choc énorme ».
Par analogie, l’état du financement de la recherche en France inquiète également les chercheurs mobilisés. « Nous dénonçons un problème qui s’aggrave d’année en année : la recherche ne dispose pas de financement pérenne. Au contraire, ses fonds diminuent, menant à un recul net de la production des savoirs3. » Une « tendance lourde » qui inquiète particulièrement les scientifiques, craignant le sort qui pourrait leur être réservé dans les prochaines années. « S’il n’y a pas de sursaut international, il deviendra très compliqué de faire de la recherche », annonce l’océanographe. De leur côté, les chercheurs américains sonnent l’alarme : « La science est politique. C’est un bien commun, et il faut absolument la défendre comme telle ».
1. National oceanic and atmospheric administration, l'agence nationale pour l'océan et l'atmosphère.
2. Institut universitaire européen de la mer.
3. Selon un rapport publié en février 2025, la France est passée, en part mondiale de publications scientifiques, du 6e rang en 2010 au 13e en 2022.
Une mission scientifique menée par la Fondation Tara Océan sur les plus grands fleuves européens a révélé qu’ils étaient massivement pollués par les microplastiques.
Menacés par la destruction de leur habitat et le changement climatique, les amphibiens sont suivis de près par les scientifiques.
Des « petites billes microscopiques qui s’amassent en grappe de raisin ». Voici comment Hugo Robin, doctorant en microbiologie à l’Inserm1, à Rennes, décrit le staphylocoque doré. Dans le cadre de sa thèse, le chercheur s’intéresse à cette bactérie naturellement intégrée au microbiote de trois personnes sur dix sans danger, mais pouvant causer des infections lorsque certaines conditions sont réunies. « Leur gravité varie, ça peut aller du furoncle au décès, note le doctorant, mais le passage à un état virulent est toujours lié à une modulation de l’expression des gènes. » Une bascule engendrée par des interactions à l’intérieur de la bactérie, entre ses protéines et ses ARN régulateurs2. « Je cherche à caractériser ces interactions, déterminer comment elles affectent l’expression des gènes et agissent sur la virulence, résume le chercheur. Cela pourrait apporter une échelle de compréhension supplémentaire au fonctionnement de la bactérie, par exemple sur ses mécanismes de résistance aux antibiotiques », souligne Hugo Robin.
1. Institut national de la santé et de la recherche médicale.
2. De petits éléments génétiques qui modulent l’expression des gènes.
Des cigarettes sont vendues dans la rue, les voyageurs et les habitants des grandes villes ont pu le constater. « Mais il y a peu de données scientifiques sur ce phénomène, et peu de statistiques sur le volume que représente la contrebande, explique Louis Braverman, maître de conférences au Laboratoire d’études et de recherche en sociologie de l’UBO1, à Brest. Les données existantes viennent de l’industrie du tabac, qui pointe systématiquement la vente à la sauvette comme une conséquence de la politique de hausse des prix. »
Pour dépasser cette idée reçue, Louis Braverman pilote depuis l’an dernier deux projets : l’un2 vise à mieux documenter la perte fiscale de l’État et le second3 à comprendre les raisons du recours à ce marché parallèle et les conséquences sur la santé publique. Le travail de terrain a commencé en décembre dernier. À Saint-Denis, Lyon et Marseille, pendant deux ans, les équipes associant sociologues, anthropologues et chercheurs en sciences politiques, vont observer les scènes se déroulant sur les lieux de vente, et mener des entretiens réguliers avec les vendeurs, ainsi que les consommateurs, les riverains et les élus. « Nous allons nous intéresser, par exemple, au sens que les personnes donnent à leur achat de cigarettes dans la rue. L’idée est de changer de perspective, car actuellement la réponse publique se heurte à un déficit de connaissances, ce qui ne permet pas vraiment d’agir sur cette problématique », ajoute Louis Braverman. Les premiers résultats sont attendus dans un an.
1. Université de Bretagne Occidentale.
2. Financé par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives et la Direction générale des douanes et droits indirects.
3. Financé par l’Institut pour la recherche en santé publique et l’Institut national du cancer.
Des grandes entreprises au monde de la recherche, n’y a-t-il qu’un pas ? Cette chercheuse semble en tout cas l’avoir franchi. En Bretagne, elle a trouvé un port d’attache pour observer les mécanismes de domination qui façonnent le monde.
Regarder attentivement au fond de ces vieux réservoirs peut révéler de très précieuses informations sur la biodiversité qui les habite. D’où l’intérêt de les conserver en bon état.
170 sites ont été inventoriés aux quatre coins de la Bretagne par le protocole ONCB1 depuis son lancement en 2019, « soit des milliers d’hectares », se réjouit Guillaume Gélinaud, conservateur de la réserve naturelle des marais de Séné, qui a participé à sa mise au point. L’objectif ? Inventorier le peuplement d’oiseaux nicheurs communs afin de dégager des données comme le nombre d’espèces ou l’abondance2, mais aussi des indicateurs plus spécifiques tels que l’enjeu de conservation d’une zone, calculé à partir du statut des espèces sur la Liste rouge de l’UICN3. « Entre avril et juin, des observateurs recensent chaque contact avec un oiseau nicheur suivant un protocole précis, explique Guillaume Gélinaud. Il peut s’agir d’un merle qui mange, d’un pinson qui chante ou d’une fauvette en plein vol.» Des données ensuite analysées par l’Ora4, lequel en déduit notamment le nombre de couples par espèce. « On cherche à évaluer les effets des changements environnementaux sur ces oiseaux qui sont d’importants indicateurs de la qualité des milieux », résume le spécialiste.